ARROGANT FUN.

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En plus de proposer un programme d’un éclectisme attrayant, le Festival de la Bâtie ne néglige jamais des choses dites plus légères avec la venue, entre autres de Digital Natives, Bang Gang, Lole ou les excellents Division Kent. L’Usine PTR recevait mercredi passé les plus très australiens Midnight Juggernauts et les plus très bordelais Adam Kesher. La preuve : tous deux ont établi leur nouvelle demeure dans la caitale française. Leur trajectoire du succès s’est aussi croisée en 2008 avec l’import européen de Dystopia pour les Juggers et la sortie de Heading For The Hills, Feeling Warm Inside des Français.

Les Midnight Juggernauts appliquent toujours la même formule gagnante, faite d’électro 80’s kitsch et de puissants refrains. Les cheveux ont poussé depuis cet été, des effets et de la rigueur se sont rajoutés aux compositions. C’est devenu un vrai groupe de scène. Les filles dissertent sur leur sex appeal (« Ces gars-là, c’est le sexe incarné » relève une voisine enthousiaste) et les mecs se poussent sur le rappel So Many Frequences. Baston. Le trio se barre sans rien dire. Dans un autre style, Adam Kesher mettent toute leur énergie dans leur live. A six sur scène avec double claviers, cloches, et autres accessoires, on a l’impression de voir A Certain Ratio sur scène, le public bigarré de la Factory de Manchester en moins… Au jeu des influences, les Français ne sont pas les plus maladroits. Références post-punk, R’n’B et post-modernes permettent à ce groupe une attention certaine du public. A trop en vouloir cependant, Adam Kesher peinent sur la durée et perdent l’intensité de leurs enregistrements studios. A suivre cependant, car leur érudition et leur bonne volonté est un joli signe de promesses. Entretien avant le concert avec Julien Perez et Jérôme Alban, les deux âmes fondatrices du groupe.

 

Lords Of Rock : Débuts du groupe en 2002, à Bordeaux. Le coup classique, vous vous rencontrez sur les bancs du lycée ou de la fac ?

Julien Perez (chant) : Ouais,  nous deux on s’est connu au lycée, on faisait de la musique depuis longtemps ensemble. Après les quatre autres membres sont plus vieux que nous, ils ont tous huit à dix ans de plus que nous. C’est à force de faire des groupes, de traîner dans les lieux de musique à Bordeaux qui sont assez restreints qu’on a connu ces mecs. On avait d’abord fait une démo à deux qu’on avait enregistré chez moi… On avait tous des groupes à côté et on s’était dit à l’époque que ça serait marrant de faire un groupe pop, puisqu’on faisait des trucs un peu plus durs avant. Adam Kesher était un peu au départ un side project pour faire des morceaux différents et finalement ça a pris le pas sur le reste.

Comment vous considériez-vous à l’époque face au parisianisme, quand on est un petit groupe de province ?

Jérôme Alban (guitare) : Au niveau de la musique, c’est pas tellement évident, c’est-à-dire que s’il y a des supers groupes qui passent uniquement à Paris, pour les gros groupes on va dire, en Province il y a énormement de lieux, il y avait des tas de groupes qui passaient. C’est peut-être moins le cas aujourd’hui, je ne sais pas… Bordeaux était connue comme une ville particulièrement dynamique…

Julien Perez : Au niveau de la scène, je pense qu’il y avait plus de groupes de rock bordelais que parisiens, des groupes qui pouvaient sortir un peu de la France. Paris c’est pas vraiment un ville rock finalement…

Vous agréez au fait de dire que ça a été monté de toutes pièces ?

Julien Perez : Oui c’est clair…

Jérôme Alban : Disons que c’est une ville un peu grande en fait pour qu’il y ait une véritable scène qui puisse se fédérer.

Parlons de votre premier album, sorti au mois d’avril… Ca mache plutôt bien pour vous actuellement non ?

Jérôme Alban : On a des super retours sur l’album, c’est génial.

Julien Perez : Maintenant on aimerait pouvoir sortir de France pour pouvoir exporter notre album dans d’autres pays. On espère le sortir euh… ailleurs (rires) ! Et puis on aimerait aussi enregistrer rapidement un maxi pour janvier. On commence déjà à penser à ça.

Vous allez jouer à Dublin, pour une soirée du NME. On connaît leur amour pour les comparaisons invraisemblables entres les groupes. A qui est-ce que vous aimeriez être comparé si vous deviez figurer dans leurs pages ?

Julien Perez : Dans les groupes actuels, Liars je dirais, pas tant au niveau des morceaux mais plus dans ce que représente ce groupe qui est assez libre et qui a su évoluer tout en gardant une identité. C’est quelque chose dans laquelle je me retrouve pas mal. Aussi beaucoup d’autres groupes new-yorkais de toute cette scène, mais aussi des trucs d’Atlanta comme Deerhunter ou Black Lips qui ne sont pas tellement comparés avec nous au niveau du son mais ce sont des groupes que l’on respecte énormément. En tout cas on serait plus portés vers des choses comme ça que tous les trucs à la Klaxons ou Hadouken ! dont on n’est pas super fans.

En comparaison, on voit aussi les Teenagers qui cartonne à fond outre-Manche avec, disons-le, aucun mérite…

Julien Perez : A part le fait que l’on soit aussi Français…

Jérôme Alban : Ca nous fait le même effet (rires)…

Changons de sujet : il devait y avoir un date à Beyrouth tout prochainement. Annulée ?

Jérôme Alban : Si peut-être, elle devrait repoussée vers la mi-novembre. Ce qui s’est passé, c’est que ces gens nous ont appelé pour jouer il y a quelques temps et finalement ils l’ont repoussé et encore repousssé. Comme c’est la première fois qu’ils font ça et que plusieurs groupes doivent venir jouer en Inde, ça doit être hyper compliqué pour les organisateurs. Enfin on serait heureux d’aller jouer là-bas.

Julien Perez : C’est hyper excitant de se dire qu’on risque d’aller jouer en Inde…

Il y a aussi eu les Etats-Unis, avec notamment une date en compagnie de Calvin Harris à New-York…

Julien Perez : Alors ça c’était plus un endroit où l’on a passé des disques. C’était assez marrant de faire son after-party en fait…

Jérôme Alban : C’était quand même super bien toutes ses dates outre-Atlantique parce qu’on était hyper bien accueili et personnellement ça a beaucoup fait pour changer les vues qu’on peut avoir sur les Etats-Unis. On est quand même Français, et en France il y a cette tradition de ne pas aimer les Américains. On était tous surpris, c’est-à-dire qu’à tous points de vue tout le monde était très accueillant. Une bonne expérience de toute évidence !

Pour rester un peu dans les premières parties, vous allez ouvrir pour Sébastien Tellier. Est-ce quelqu’un qui vous inspire ?

Julien Perez : C’est quelque chose qu’on aime beaucoup, il y a vraiment des choses supers dans les morceaux pop comme La Ritournelle ou certains morceaux sur le nouvele album. C’est un privilège de pouvoir jouer avec lui. Même si on n’a pas grand chose à voir avec lui, on se retrouve dans cette idée qu’on peut sortir de la France.

Vous avez aussi votre tube à vous, Local Girl, qui tranche bien avec le reste de Heading For The Hills, Feeling Warm Inside…

Jérôme Alban : C’est un morceau qui est venu comme ça, facilement. On écoute pas mal de R’n’B et on n’a vraiment pas de mauvais a priori de ce qui peut se faire dans ce musique. Et puis on a eu cette idée de rythme et le reste est venu assez naturellement finalement. Mais les textes ne changent pas du reste de l’album. L’idée, c’était justement de jouer sur le côté R’n’B tout en retournant le principe. C’est-à-dire que plutôt de rouler les mécaniques on pouvait avoir cette pensée fragile ou vulnérable.

Vous insistez sur ce côté authentique. Le nom de groupe vient d’un film de Lynch, des influences comme Suicide ou Walter Benjamin. Vous dites sonner métaphoriquement comme, je cite « l'homme qui, pour des motifs d'apaisement et d'illusion, tente de s'interpréter lui-même sur le modèle de l'étant non humain, puis, qui, par l'expérience de l'angoisse assurant ce passage, va reconquérir son authenticité, et exister selon ses modalités propres et irréductibles. »

Julien Perez : (rires) Ouais, ça c’est une citation d’Heidegger, mais c’est plutôt anecdotique, c’est plus pour la blague.

Jérôme Alban : Il faut quand même être lucide, ce qu’on fait, ce n’est finalement que de la musique. Il faut ouvrir les yeux un peu sur soi. C’est très bien comme ça et si des gens s’y retrouve, eh bien c’est tant mieux. On ne peut pas changer le monde…

Julien Perez :On aurait pu faire un autre style de musique, du psychédélique ou autre chose. Enfin là on fait de la pop, il faut être arrogant mais arrogant fun (rires). Faut pas être pompeux.

Jérôme Alban : Ouais, pas être arrogant mais arrogant fun, là on a vendu le truc je crois (rires).

Votre album dévoile un bel artwork : des photos travaillées, un peu schizo, à l’image de vos morceaux.

Jérôme Alban : Ca fait un peu à l’ancienne, il y a un coté nineties, mettre des photos sur un disque, c’est quelque chose qu’on ne voit plus trop. Et puis, après on fait des CD, c’est vrai que ça nous emmerde un peu car nous aimerait bien faire du vinyl, on est très attaché aux objets. Mais partager nos photos est quelque chose de toujours très agréable.

Le deejaying, c’est quelque chose que vous faites souvent ?

Julien Perez : C’est arrivé assez par hasard finalement, on aurait dû joué avec Klaxons. Ils avaient annulé leur live mais étaient venus pour faire un dj-set. On a donc aussi fait un dj-set, les gens ont pas mal croché, et voilà maintenant on nous appelle aussi pour en faire. On n’est pas du tout DJ, mais c’est vrai qu’on aime bien passer les disques qu’on aime.

Justement, quels seraient les trois-quatre titres pour débuter un dj-set ?

Jérôme Alban : Ca c’est une bonne question les gars !

Julien Perez : Je pense le morceau Stay Trooper de Bruce Springsteen pour commencer, c’est cool. En fait ça ressemble à du Suicide avec juste une guitare acoustique et sa voix, c’est hyper glacial. Un titre qui figure sur Nebraska. C’est pas très dansant mais du coup ça te met un truc hyper bizarre dans les clubs quand tu as des gens excités et hyper guindés. Avec une telle musique ça glace bien l’ambiance (rires). Après des tubes de funk new-yorkais et des trucs un peu bourrins ou new-wave. Après forcément du Daft Punk. C’est pas hyper original de mettre ça en soirée… mais ça nous fait toujours plaisir. Des choses actuelles du label DFA, c’est excellent en soirée aussi.

(Interview paru sur le site de Lords Of Rock)