VAMPIRE WEEKEND. CONTRA.

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Un artwork quasi-identique (un "girl next door" à la place d'une lampe rococo), le même savoir faire de leur producteur-clavier. Et moins de tubes immédiats cette fois-ci, comme une promesse certaine pour un avenir qu'on leur prédit doré. Mesdames et messieurs, voici le nouveau Vampire Weekend, voici un grand album.


Evitons tout sensationnalisme : CONTRA est un excellent deuxième effort de Vampire Weekend. Pour le reste (les affaires médiatiques) on s’en fiche. Comme en 2008, Rostam Batmanglij (clavier) remet ça aux commandes de la production (plus du artwork), travail effectué entre Brooklyn et Mexico City. Comme en 2008, ce groupe reste complètement à part, sorte d’antithèse parfaite des actuels Blacks-machins ou Black-choses pour transformer les places publiques en gigantesques thés dansants façon Marie-Antoinette en bikini. CONTRA, succès en passe de devenir énorme, pourrait pourtant refroidir le novice dès l’entame du morceau d’ouverture, "Horchata", où Ezra Koenig y va de son lyrisme enthousiaste, xylophone et contre-basse et violons dans l’entreprise. « Here comes a feeling you thought you’d forgotten. Chairs to sit and sidewalk to walk on ». Il y a ici du Paul Simon abstrait pour faire court, mais qui semble confirmer les rumeurs folles : ce groupe en a fait encore davantage. Plus aventureux, plus produit, plus incroyable et plus gonflé encore, au point de pouvoir mêler comme personne l’affreusement kitsch et le génial sans qu’on n’y prenne garde. Un raout extrêmement dense. La surdose guète. L’influence de leurs compatriotes Animal Collective plane (lire ici la rythmique, période MERRIWEATHER POST PAVILION). Mais la note passe, inconsciemment. L’addiction est latente.

"White Sky" lance véritablement ce CONTRA, véritable hymne malin pour cette nouvelle décennie, comme si Arcade Fire était devenu subitement légers. Cet ovni quasi psychédélique tricoté sur des boucles au claviers permettra d’oublier un "Horchata" en demi-teinte. "Holiday" poursuit l’euphorie, petit cousin de "A Punk", du précédent album. Mine de rien, en trois morceaux seulement, le groupe fait le grand écart parfait dans la musique actuelle, rassemblant autant Grizzly Bear, Flaming Lips que Wild Beasts. Et l’on n’est au bout de nos surprises : "California English" est un petit brûlot hérissé à la mode africaine et ose même l’Auto Tune (oui oui). Rostam Batmanglij meilleur que Jay-Z ? Généreux dans l’effort mais pas suicidaires non plus, Vampire Weekend sait aussi baisser la garde et offre en milieu d’album (déjà !) le splendide "Taxi Cab", tout en classe et en modération, où Ezra Koenig ose enfin calmer ses performances vocales pour mieux laisser la place à une rythmique qu’on hésiterait presque à nommer électronique, une instrumentation découvrant un Vampire Weekend bien plus malin qu’il n’en a l’air, n’en déplaise aux sceptiques .Moins touchant et surprenant que le "I Stand Corrected" du précédent album certes, mais sacrément mieux foutu. Du Sufjan Stevens pour jeunes loups pour le coup. Le petit clin d’œil Rondo Veneziano n’est ici pas oublié.

L’usine à tubes repart de plus belle sur l’épileptique "Run", mieux que le Prozac, Sertraline, Paroxetine, Citalopram, Escitalopram réunis. Et pour le coup une bien jolie déclaration d’amour (« Honey, with you is the only honest way to go. And I could take two, but I really couldn’t ever know ») plus sarcastique que jamais (« Every dollar counts, and ever morning hurts. We mostly work to live, until we live to work »). Pas bête Ezra. Pour le coup, on s’offre le meilleur morceau de ce CONTRA à la coule, le coup de pédale facile, les trompettes affutées, les chaussures lustrées pour épater sur le dancefloor. A se demander où ils vont chercher de tels morceaux. Honneur au batteur Chris Tomson : enchaîner live "Run" et le titre suivant - "Cousins" requiereront de vives patt. "Cousins", guitares et carillons qui t’en mettent plein la vue en 2 minutes chrono. Pas forcément le titre mémorable de CONTRA, mais sans doute bien ancré dans les starting blocks au concours 2010 du titre au "petit plaisir immédiat". La chanson parfaite pour enflammer une baston, à NYC comme à Renens avant de réconcilier adversaires, femmes et enfants sur le bien nommé titre 80’s "Giving Up The Gun", pure morceau pop. C’est donc ce genre de morceau qui leur permet d’apparaître sur les grandes chaines télés, plus connues normalement pour leur inadéquation avec la réalité des choses ?

Un sample du "Hussel" de MIA est emprunté sur un "Diplomat’s Son" aux références avouées à Joe Strummer et sa bande (présentes de même sur "Taxi Cab", "I Think Ur A Contra") : est-ce du slow dance ? Du reggae pour blanc-bec ? du Hot Chip théorique ? « He was a diplomat’s son. It was ‘81 » peut-on y noter, le sourire au coin des lèvres, alors que le titre s’évapore dans un climat angélique. L’album se termine logiquement sur le non moins paisible "I Think Ur A Contra" en violoncelles et guitares acoustiques. Ici encore, un décor à la Animal Collective, pour le meilleur. Et de laisser Ezra conclure brillamment sur ces mots : « I think you’re a contra. And I think that you’ve lied. Don’t call me a contra til you’ve tried ». Un contra était un guérillero contre-révolutionnaire opposé au mouvement sandiniste nicaraguayen. Pour sûr que sa vigueur ait pu donner des forces et du courage (oh qu’il en faut) pour être Vampire Weekend. Quel effort donc ! Il y a quoi, un morceau à jeter ("Horchata") sur ce 10-titres ? La suite de l’aventure sera belle, j’y prends déjà rendez-vous, impatient.


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